La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



mercredi 4 février 2015

Dans quelle étagère: Partager les petits trésors de ma bibliothèque

L’éternité d’une seconde
Bleu Giotto.
De Jean-Claude Grosse


Eds. Les cahiers de l’Égaré

1964Un jeune homme une jeune femme un amour une promesse…Le temps passe, quelques trente années plus tard,les mêmes qui ont arpenté les chemins de vie,un homme,une femme,leur amour qui perdure,leur fils etla mort brutale qui s’invite au festin.
11 septembre 2001 Départ vers Cuba d’un jeune homme, un artiste prometteur en plein épanouissemment. N’était-ce pas le famaux jour où le monde a basculé cul par dessus-tête, avions d'acier dans l’acier des tours, barbarie (?) contre civilisation (?)  dans un monde chaotiquele Grand Monde de l’Histoireet le petit monde des gens, ceux qui quelques jours plus tard, à la croisée des chemins mal signalisés du Triangle de la mort, s’encastrent tôles acérées, dans le monde des disparus. Que reste-t-il du fils ? La voix sur un répondeur téléphonique, un corps froid dans un tiroir métallique, un cadavre dans un cercueil plombé.Mère et Père apprivoisent le chagrin. Parcours initiatique vers un futur où le fils n’est plus que ce qu’ils en conservent.Lambeaux de vie, poussières de vie.Le temps passe.Moins de dix ans,et la Mère, l’épouse, la femme de l’homme,est à son tour est conviée au festin de la mort.L’homme dit au moment de l’envol : «  Ta chaise t’attend pour traverser notre seize mille huit centre trente-sixième nuit d’amour.Et le temps passe, le temps  a passé, 
2028 Autant dire aujourd’hui la voix sur le répondeur est celle de l’Épousée. Et plus tard le train qui emmène l’homme au lac BaÏkal, à la soure de l’amour, avalera le temps présent. Et tous les Riens de la vie avec un s.Dans ce texte superbe et déstabilisant, l’auteur transmute ses souvenirs en autant de questions existentielles auxquelles il ne donne pas de réponse. C’est à nous lecteur, auditeur, spectateur de cette Éternité d’une seconde, qu’il laisse la faculté de répondre. Au moins d’y réfléchir.
NB: Dans un échange avec l'auteur est venue cette question:
Petite question qu'est-ce qui vous déstabilise dans ce récit qui est à lire comme une fiction ?
Question à laquelle j'ai tenté d'apporter une réponse que je retranscris.
Oui, la lecture de ce texte, sa construction aussi, m'ont déstabilisée, ébranlée. Pour prendre un exemple moléculaire, ce fut comme si, assistant à l'Oeuvre au noir, j'avais été le témoin d'une chose impossible, voir dans une cornue du plomb se changer en or. Eh bien, votre récit m'a ébranlée de cette façon-là. J'ai vu de mes yeux, sous vos mots ,la transmutation de la mort en vie. La façon objective que vous proposez de vous (de nous) arranger avec la mort, avec vos (nos) morts, avec les morts imaginaires ou réels de l'auteur ou d'un quelconque lecteur, réussit à transformer la disparition charnelle en vie intérieure, sans aucun pathos, sous le regard du lecteur-spectateur. C'est une façon d'entrainer celui qui  lit sur la voie de  l'acceptation de l'inéluctable et de rendre la souffrance, non seulement acceptable, mais nourrissante. Et cela avec une poésie, un art du mot et de la composition dramatique. Et j'en fus ébranlée.


Se procurer l'ouvrage et en savoir plus sur le blog de l'auteur:  http://cahiersegare.over-blog.com



Bio-bibliographie de Jean-Claude GrosseNé en octobre 1940, professeur de lettres et de philosophie de 1964 à 1998créateur-directeur de la Maison des Comoni, théâtre du Revest-les-Eaux, de 1983 à 2004Éditeur des Cahiers de l'Égaré depuis 1988 (150 titres publiés)auteur dramatique, membre des EAT et de la SACD, président de la filiale Méditerranée des EAT.auteur dramatique :La lutte des places (Les Cahiers de l'Égaré, 1997)La Vie en jeu (Les Cahiers de l'Égaré, 1997)Trois femmes (Les Cahiers de l'Égaré, 2001)Les Enfants du Baïkal (Les Cahiers de l'Égaré, 2010)Moi, l'élu (inédit, 2008)L'île aux mouettes (Les Cahiers de l'Égaré, 2012)Tourmente à Cuba (2014), au répertoire des EAT depuis avril 2014Théâtre à vif:le sabordage de la flotte, le 26 novembre 1942 à Toulonles attentats du 11 septembre 2001 à New YorkEssayiste :De l'impasse à la traverse (essais sur l'art et la culture) (Les Cahiers de l'Égaré, 2003)Pour une école du gai savoir (Les Cahiers de l'Égaré, 2004)Corsavy d'hier et d'aujourd'hui (Les Cahiers de l'Égaré, 2006)Corsavy, paysages et visages (Les Cahiers de l'Égaré, 2007)Poète :
La Parole éprouvée (Les Cahiers de l'Égaré, 2000)

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