La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



vendredi 15 février 2013

Mes lectures du moment

Le sermon sur la chute de Rome 
de Jérôme Ferrari édition Actes Sud.



Résumé: C'est l'histoire d'un petit bar corse, du côté de Sartène, fréquenté par des chasseurs haut en couleur (jaune comme le pastis et épais comme la crasse). La patronne Marie-Angèle Susini veut vendre ce boui-boui et ne trouve que des gérants minables qui font tous capoter l'affaire. Libero Pintus et Matthieu Antonetti, deux jeunes du village partis étudier la philosophie à la Sorbonne, se portent volontaires.  La famille de Matthieu est furieuse qu'il abandonne ses études. Les deux garçons n'ont pas un sou,  le grand-père de Matthieu, Marcel Antonetti lui propose ( alors qu'il semblait le détester) de lui avancer les fonds pendant deux ans seulement, en échange de quoi ce dernier devra faire ses preuves. Malgré leur inexpérience, Matthieu et Libero comptent bien ne pas répéter les erreurs de leurs prédécesseurs et arrivent à faire tourner la boutique au-delà de toute espérance. L'endroit ne désemplit pas, les habitués se mêlent aux touristes dans une ambiance festive et joyeuse. 
Mais c'est en vérité le début de l'enfer car la présence de quatre serveuses, dont la très aguicheuse Annie, attise le désir des hommes, aiguise les rivalités des clans. I l y a aussi la soeur de Matthieu et ses amours contrariées en Algérie… Tout cela va mal finir… on le pressent

« J’IMAGINE QU'ILS VIENNENT DE DÉCOUVRIR DOULOUREUSEMENT que les mondes sont mortels mais ils n’arrivent pas encore à y croire et, pendant l’hiver 410, dans la cathédrale disparue d’Hippone, ils écoutent Augustin, l’évêque qu’ils aiment, le leur confi rmer en une phrase limpide et cruelle : “Le monde est comme un homme : il naît, il grandit et il meurt.” Car, de la chute de Rome il faut d’abord tirer un enseignement sur l’effrayante fugacité des mondes dont l’épée d’Alaric vient alors d’apporter la preuve incontestable et brutale.
Rome n’est donc ici que l’un des multiples noms portés par le monde et je voulais poser à mon tour, avec ce roman et dans les termes qui sont ceux du roman, la question : qu’est-ce qu’un monde ? Chaque personnage a le sien, qui le sépare irrémédiablement des autres. Il y a un très vieil homme qui a traversé tout le XXe siècle à la poursuite de l’Histoire sans jamais la rattraper ; une jeune femme qui ramène à la lumière des vestiges enfouis et ne veut pas laisser la vie s’éteindre ; deux amis d’enfance qui reprennent le bar de leur village et cheminent côte à côte vers le désastre. Mais chacun d’eux répond à sa manière à la même question. En chacun d’eux se manifeste la présence ou l’absence d’un monde, avec les éléments qui en assurent la cohésion provisoire autour d’un centre de gravité trop fragile, et chacun d’eux, puisque un monde, quelles que soient son ampleur ou sa durée, doit naître, grandir et mourir comme un homme, vient porter témoignage à sa manière des origines et de la fin. Si Rome n’est que l’un des multiples noms portés par le monde, j’aimerais pouvoir penser que ce roman est exactement ce que son titre indique : un sermon sur la chute de Rome qui fait écho à ceux que prononça Augustin dans la cathédrale disparue d’Hippone pour consoler ses fidèles d’avoir survécu à la fin du monde. »
Jérôme Ferrari

Extrait: Comme témoignage des origines - comme témoignage de la fin, il y aurait donc cette photo, prise pendant l'été 1918, que Marcel Antonetti s'est obstiné à regarder en vain toute sa vie pour y déchiffrer l'énigme de l'absence. On y voit ses cinq frères et soeurs poser avec sa mère. Autour d'eux, tout est d'un blanc laiteux, on ne distingue ni sol ni murs, et ils semblent flotter comme des spectres dans la brume étrange qui va bientôt les engloutir et les effacer. Elle est assise en robe de deuil, immobile et sans âge, un foulard sombre sur la tête, les mains posées à plat sur les genoux, et elle fixe si intensément un point situé bien au-delà de l'objectif qu'on la dirait indifférente à tout ce qui l'entoure - le photographe et ses instruments, la lumière de l'été et ses propres enfants, son fils Jean-Baptiste, coiffé d'un béret à pompon, qui se blottit craintivement contre elle, serré dans un costume marin trop étroit, ses trois filles aînées, alignées derrière elle, toutes raides et endimanchées, les bras figés le long du corps et, seule au premier plan, la plus jeune, Jeanne-Marie, pieds nus et en haillons, qui dissimule son petit visage blême et boudeur derrière les longues mèches désordonnées de ses cheveux noirs. Et à chaque fois qu'il croise le regard de sa mère, Marcel a l'irrépressible certitude qu'il lui est destiné et qu'elle cherchait déjà, jusque dans les limbes, les yeux du fils encore à naître, et qu'elle ne connaît pas. Car sur cette photo, prise pendant une journée caniculaire de l'été 1918, dans la cour de l'école où un photographe ambulant a tendu un drap blanc entre deux tréteaux, Marcel contemple d'abord le spectacle de sa propre absence. Tous ceux qui vont bientôt l'entourer de leurs soins, peut-être de leur amour, sont là mais, en vérité, aucun d'eux ne pense à lui et il ne manque à personne. Copyright Actes Sud Aout 2012

Mon Avis : L'auteur a voulu  faire écho au sermon de la chute de Rome, que prononça saint Augustin en 410 dans la cathédrale d'Hippone, pour dire "l'effrayante fugacité des mondes". 
L'écriture en phrases longues à la Marcel Proust n'est pas dépourvue de virtuosité. C'est une écriture, épique, lyrique qui ne ménage pas les sensibilités, c'est cru, charnel plus que sensuel. Ceci dit le point a bien des vertus que la virgule n'a pas. Il y a un nombre impressionnant de personnages secondaires, tous sont les acteurs et les témoins de la mort du monde qui les a vu naitre. Mais ce n'est pas la chute de Rome, c'est juste la déchéance de deux jeunes c… et la décadence d'un bistrot corse à l'ambiance délétère
C'est un livre déroutant un peu trop pompeux à mon goût. Trop d'emphase et pas assez de sincérité. Mon compagnon quant à lui n'a pas dépassé la quatrième page.

Biographie : Né à Paris en 1968, agrégé de philosophieJérôme Ferrari a enseigné en Algérie puis en Corse. Depuis septembre 2012, il est en poste dans les Emirats arabes unis. Chez Actes Sud, il est l'auteur de quatre romans : Dans le secret (2007; Babel n° 1022), Balco Atlantico (2008), Un dieu un animal (2009, prix Landerneau ; Babel n ° 1113) et Où j'ai laissé mon âme (2010, prix du roman France Télévisions, prix Initiales, prix Larbaud, grand prix Poncetton de la SGDL)


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